untitled, part 1: everything and nothing

Untitled, Part 1: Everything and Nothing
Jayce Salloum
1999 (2001)
Format original DVM
40:40 minutes

Le premier volet de la série, untitled. Un dialogue intime avec *Soha Bechara – ex-combattante de la Résistance Nationale Libanaise – oscillant entre les représentations d’une figure (de la résistance) et celles d’un sujet. Bechara est filmée dans sa chambre à Paris, durant la dernière année de l’occupation israélienne, un an seulement après sa libération du centre de torture et d’interrogatoire d’El-Khiam au Sud-Liban, où elle est restée prisonnière pendant 10 ans, dont 6 années en isolement. L’œuvre réexamine les notions de résistance, de survie et de volonté. On y raconte la mort, la séparation et la proximité. L’image et le corps surexposés d’une martyre ayant survécu s’adresse calmement et directement à la caméra, se juxtaposant à son être et à son image ; elle ne parle pas de la torture mais de la distance entre le sujet et la perte, elle parle de ce qu’on laisse derrière soi et de ce qui reste.

*Soha Bechara est une héroïne au Liban. Il est fréquent d’apercevoir son image dans les maisons du sud. De nombreuses affiches avec son portrait étaient d’ailleurs visibles dans le centre de Beyrouth lorsque j’y travaillais au début des années 90. Elle a été capturée en 1988 pour avoir tenté d’assassiner le général de l’Armée du Sud-Liban, Antoine Lahad (L’Armée du Sud-Liban était une milice montée de toutes pièces, contrôlée par les Israéliens pour faire croire que l’occupation du Sud-Liban était un conflit interne au pays).

Je ne lui ai posé aucune question spécifique sur les tortures qu’elle a subies ni sur le traumatisme de la détention, car elle avait déjà été interviewée à plusieurs reprises et dans les moindres détails par la presse européenne et arabe au sujet des conditions de détention à El-Khiam, de la façon dont elle y avait survécu, des détenus, de la résistance, etc.

Je me suis rendu dans sa petite chambre d’étudiante, pas beaucoup plus grande que sa cellule, où elle étudie actuellement le droit international à la Sorbonne. Elle était assise sur son lit et je l’ai interrogée sur la distance entre son vécu à El-Khiam et à Paris, ainsi qu’entre Paris et Beyrouth. Je lui ai demandé ce qu’elle avait laissé à El-Khiam et ce qu’elle avait ramené. Elle a raconté une histoire de fleurs, et le fait qu’elle ne les met jamais dans l’eau. Elle a raconté ce que ça lui faisait de faire l’objet d’autant de requêtes, elle a dit qui elle était, quel titre la vidéo devait porter, et d’autres choses encore. Cette bande vidéo où j’ai filmé le temps passé avec elle n’est pas précieuse, c’est seulement du temps, une discussion, une intimité intense au sein d’une distance à la fois toute mince et infranchissable.

 

À l’image d’un géographe itinérant qui étudierait les territoires en conflit (situés presque partout), Salloum observe le monde et crée/récolte des images/textes pour dénicher du sens ou simplement commenter. Depuis qu’il est arrivé ici – en aucun cas de son propre chef – il essaie de ne se rendre que là où on l’invite et où il sent une affinité intrinsèque, puisque ses projets s’enracinent dans un engagement intime avec le lieu. Petit-fils d’immigrant·es de Syrie ou du Liban, il est né et a grandi sur la terre des autres, en territoire Syilx (Okanagan). Après 21 années de vie et de travail, ici comme ailleurs, il a finalement pris racine sur les terres volées et jamais cédées de Xʷməθkʷey̓əm, Sḵwx̱wú7mesh + Səíl̓wətaʔł. Reconnaître cet état de fait et agir de façon conséquente est un défi de tous les jours, et pour être honnête, il pourrait faire beaucoup mieux. Dans ce contexte et hors contexte – car c’est sans grande importance – Salloum a publié et donné des conférences en masse, en plus de présenter péripatétiquement son travail dans le plus large éventail possible et improbable d’espaces d’exposition locaux et internationaux, des plus petites vitrines de commerces anonymes du downtown eastside de Vancouver où il habite, jusqu’aux plus grandes institutions, dont Le Musée du Louvre, Le Museum of Modern Art (MoMA), le Musée Guggenheim, le Centre Georges Pompidou, le Musée des beaux-arts du Canada, la Biennale de la Havane, La Biennale de Sharjah, la Biennale de Sydney et le Festival international du film de Rotterdam.

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